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(Où) dois-je notifier ma joint-venture?

Novembre 2020

Imaginez…

Vous venez de vous voir promu directeur général d'une boutique en ligne à succès spécialisée dans la vente d'équipements sportifs haut de gamme. Le siège et le centre de distribution de la boutique en ligne sont établis en Belgique et c’est à partir de là que vos produits sont vendus à tous les amateurs de sport à travers l'Union européenne.

Vous pensez constituer une entreprise commune (joint-venture) avec l'un de vos fournisseurs, une autre entreprise belge, en vue de fabriquer vous-même le matériel de sport et de le vendre ensuite via votre boutique en ligne. 

Les négociations vont bon train et vous confiez la mission d'établir un accord de joint-venture à votre juriste d'entreprise. Celui-ci vous signale qu'il conviendra également de tenir compte des contraintes en matière de contrôle de concentrations. Il est possible que vous ne puissiez lancer la joint-venture qu'à partir du moment où vous l'aurez notifiée aux autorités de la concurrence et aurez obtenu leur approbation.

Votre juriste d'entreprise va analyser avec le département financier dans quels pays il convient de la notifier. Honnêtement, vous êtes perplexe. La réponse est évidente quand même: les deux entreprises sont belges, il ne peut donc être question que d'une notification en Belgique! Ou pas ?

Quelques précisions.

Lorsqu'une transaction est soumise au contrôle des concentrations, les parties sont tenues de notifier cette transaction aux autorités de la concurrence compétentes. Il leur est interdit de mettre en œuvre la transaction avant d'avoir obtenu l'approbation des autorités. Si elles méconnaissent l'obligation de notification, ou si elles mettent en œuvre la transaction avant d'avoir obtenu cette approbation, elles s'exposent à de lourdes amendes.

Les règles en matière de contrôles des concentrations peuvent varier en fonction des États membres. Cela vaut tant pour le type de transactions qui doit être notifié que pour les seuils de chiffre d'affaires déclenchant l’obligation de notification.

En Belgique, le type de transactions qui doit être notifié est défini de manière comparable à ce qui est prévu par les règles de l'UE. Outre les fusions et les acquisitions classiques, certaines joint-ventures doivent également être obligatoirement notifiée. Il en va ainsi pour les joint-ventures dites « de plein exercice », qui sont destinées à être actives sur une base durable et autonome sur le marché. Si une joint-venture se charge uniquement de la production de produits qui seront uniquement commercialisés par ses sociétés mères, aucune notification n'est en principe requise. En effet, dans ce cas, elle ne dispose pas d’un accès indépendant au marché.

Dans notre exemple, il est donc peu probable que la joint-venture soit soumise à l'obligation de notification en Belgique. En effet, la joint-venture ne commercialisera pas elle-même les produits. Cette commercialisation sera réalisée à travers la boutique en ligne d'une des sociétés mères. 

Toutefois, dans certains États membres de l'UE, tels que l'Autriche, l'Allemagne et la Pologne, la règle en matière de « plein exercice » ne s'applique pas. Ceci témoigne de l’importance de toujours vérifier les règles locales relatives au contrôle de concentrations.

Les différences entre les États membres de l'UE sont plus marquées en ce qui concerne les seuils de chiffre d'affaires. Les concentrations qui dépassent les seuils de chiffre d'affaires de l'UE doivent uniquement être approuvées par la Commission européenne. À cet égard, le principe du guichet unique s'applique: l'approbation par la Commission vaut pour l'ensemble de l'UE. Toutefois, la Commission n'examine en principe que les grandes transactions. Par exemple, les parties concernées doivent réaliser un chiffre d'affaires mondial supérieur à 5 milliards d'euros et chacune d'entre elles doit réaliser au moins 250 millions d'euros au sein de l'UE. Une transaction devra par ailleurs faire l’objet d’une approbation au niveau européen si les parties concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial supérieur à 2,5 milliards d'euros et qu’elles ont chacune un chiffre d'affaires substantiel dans au moins trois États membres.

Si les seuils de chiffre d'affaires de l'UE ne sont pas dépassés, il convient d'examiner si les seuils de chiffre d'affaires établis au niveau national sont atteints, et ce État membre par État membre. Le chiffre d'affaires des parties doit alors être alloué sur une base géographique. 

C’est parfois plus facile à dire qu'à faire. Cette affectation géographique ne dépend en effet pas de la localisation du siège des entreprises concernées. C’est le lieu où le chiffre d'affaires est effectivement réalisé qui constitue l'élément déterminant. Il s'agit du lieu où s'effectue l'opération déterminante des contrats conclus par l'entreprise. Dans le cas d'une vente, il s'agit en principe du pays dans lequel l'acheteur est établi. Dans le cas de la constitution d'une joint-venture, cet exercice doit être réalisé pour le chiffre d'affaires des deux sociétés mères.

Dans notre exemple, l'ensemble du chiffre d'affaires n'est donc pas un chiffre d'affaires « belge », comme le pensait le directeur. En effet, la joint-venture pourrait par exemple devoir être notifiée en Pologne si les deux sociétés mères possèdent de nombreux clients polonais.

Les autorités nationales de la concurrence échangent des informations au sein du REC (le Réseau européen de la concurrence) sur les concentrations à notifier dans plusieurs États membres. Voilà qui souligne l'importance d'une analyse approfondie de l'obligation de notification. 

Concrètement:

  • Vérifiez d'abord si une transaction constitue une concentration au sens des règles de l'UE relatives au contrôle des concentrations. Cette étape revêt une importance particulière pour la constitution de joint-ventures.
  • Contrôlez ensuite si les seuils de chiffre d'affaires de l'UE sont dépassés.
  • Dans l'affirmative, le principe du guichet unique est applicable: l'approbation de la concentration par la Commission européenne vaudra pour l'ensemble de l'UE.
  • Dans la négative (en réponse à la première ou à la deuxième question), il convient d'examiner pour chaque État membre si la transaction constitue une concentration et si les seuils nationaux de notification sont dépassés.
  • L'affectation géographique correcte du chiffre d'affaires est indispensable et il ne peut être exclu qu’il soit nécessaire de procéder à plusieurs notifications nationales.

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