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Secret confié, secret divulgué. Une formule européenne pour les secrets commerciaux.

décembre 2018

Imaginez…

En tant que leader du marché dans la production de guirlandes lumineuses de Noël, vous donnez aujourd’hui votre fête de Noël, devenue entretemps légendaire aux yeux de la crème du secteur. L’ambiance est joyeuse et, comme chaque année, vous faites une présentation inspirante sur les tout derniers produits de votre entreprise.

Tandis que vous quittez l’estrade sous les applaudissements, un client vous approche discrètement. Il vient de recevoir un magnifique échantillon de l’un de vos concurrents. Celui-ci serait parvenu, en copiant votre processus de production, à produire des guirlandes lumineuses de la même qualité pour un prix nettement inférieur.

Lorsque vous entendez cette horrible nouvelle, vous vous effondrez. Les personnes qui vous entourent décident immédiatement de mobiliser une équipe juridique pour vous venir en aide dans cette affaire.

Rapidement sur place, celle-ci qualifie votre processus de production de données couvertes par le secret d’affaires et évoque de la possibilité de retirer les produits de votre concurrent de la vente. L’un des conseillers convoqués en urgence suggère même « de faire ordonner la remise des produits du concurrent à une organisation caritative en vertu de l’article XI.336/3 paragraphe 2 du Code de droit économique, tel que prévu par l’article 12 de la Directive. » Osé, mais brillant ! Vous vous en remettez peu à peu. Noël est sauvé. Une telle remise à une organisation caritative constituerait un super coup marketing … Et ce ne serait pas le premier. Mais ne vous réjouissez-vous pas trop vite ?

Quelques précisions.

Sous l’impulsion d’une directive européenne (Directive (UE) 2016/943 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires)), de nombreux États membres européens ont récemment peaufiné leur législation sur les secrets d’affaires. Tel est le cas de la Belgique, où il n’existait jusqu’il y a peu aucun cadre juridique pour la protection des secrets d’affaires. La loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d’affaires, qui transpose la directive européenne, change la donne.

En un mot, une information sera réputée contenir des secrets d’affaires lorsqu’elle est secrète (c.-à-d. pas généralement connue ou aisément accessible), qu’elle a une valeur commerciale du fait de son caractère secret et qu’elle fait l’objet de mesures de protection raisonnables. Dans la pratique, de telles informations se présentent souvent sous la forme d’un savoir-faire particulier, de méthodes, de processus de production, de concepts marketing, de formules et de recettes d’entreprises, mais aussi par exemple sous la forme de listes de clients ou de fournisseurs.

Grâce à la nouvelle législation, les détenteurs d’un secret d’affaires peuvent intervenir de façon plus efficace contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de leurs secrets d'affaires.

En résumé, il est principalement question de l’obtention illicite d’un secret d’affaires lorsque cette obtention est réalisée par le biais d’un accès non autorisé à tout élément contenant ledit secret d’affaires ou dont ledit secret d’affaires peut être déduit, ou d’une copie non autorisée de cet élément.

L’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires peut se produire lorsqu’elle est réalisée par une personne qui a obtenu le secret d’affaires de façon illicite ou qui agit en violation d’un accord de confidentialité ou de toute autre obligation similaire. Les accords de confidentialité (NDA) revêtent donc une grande valeur.

Lorsqu’un secret d’affaires est obtenu par le biais d’une découverte indépendante ou d’une recherche sur un produit obtenu de façon licite (via ce que appelle de l’ingénierie inversée), cette obtention est licite.

Celui dont le secret d’affaires a été violé peut s’adresser au juge pour obtenir des mesures provisoires et exiger une réparation. La loi prévoit expressément que le juge peut ordonner la cessation d’une obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires. Le juge peut à cet égard ordonner l'interdiction de (continuer à) produire ou mettre sur le marché les produits concernés par l’infraction au secret d’affaires. Il peut ordonner le rappel ou la destruction de ces produits, ainsi que la destruction des éléments qui contiennent le secret d’affaires ou la remise de ces éléments au titulaire légitime du secret d’affaires.

Enfin, la loi prévoit même dans certains cas la remise des produits concernés par l’infraction au secret d’affaires à une organisation caritative. Le juge doit dans ce cas toutefois contrôler la proportionnalité des mesures ordonnées, notamment en prenant en considération la valeur du secret d’affaires, l’incidence de l’infraction, le comportement du contrevenant et les conséquences des mesures.

D’un point de vue concret:

  • La directive européenne relative à la protection des secrets d’affaires introduit une meilleure protection juridique pour les secrets d’affaires. Il s’agit d’une ‘harmonisation minimum’ qui permet aux États membres de prévoir une protection plus étendue que la directive. Il reste donc important de se réferer à la législation et aux règles de procédure nationales.
  • Toute utilisation d’un secret d’affaires n’est pas considérée comme illicite. La découverte indépendante et l’ingénierie inversée sont en principe admises. Le législateur prévoit encore quelques autres exceptions et mesures de protection notamment destinés à protéger les dénonciateurs et les travailleurs.
  • En Belgique, la nouvelle loi n'affecte pas la compétence du tribunal du travail et du tribunal correctionnel. La violation d’un secret d’affaires peut en effet constituer une violation de la loi sur les contrats de travail et une infraction pénale.

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