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Le Père Noël veut un nouveau contrat B2B avec ses lutins de Noël

Décembre 2020

Imaginez…

C'est bientôt Noël et cette année plus que jamais, le Père Noël veut que tous les cadeaux soient à temps sous le sapin chez tout le monde. L'année dernière, le Père Noël a reçu un nombre non négligeable de plaintes. C'est pourquoi il souhaite conclure un nouveau contrat avec son réseau logistique de lutins. 

Voilà comment le Père Noël voit les choses : il veut un contrat de 5 ans imposant des exigences strictes concernant la qualité des cadeaux et des emballages, l'entretien de ses rennes et de son traîneau, la ponctualité des livraisons ainsi que la disposition des cadeaux sous le sapin. Le Père Noël souhaite y intégrer une clause sanctionnant financièrement les lutins de Noël qui ne satisferaient pas à ces exigences. En outre, il veut pouvoir revoir ses exigences unilatéralement chaque année : après tout, c'est un honneur de travailler pour le Père Noël, et certains lutins semblent l'oublier. 

Le Père Noël demande à son avocat de mettre tout cela en musique (de Noël). Comme d’habitude, ce dernier trouve toujours à redire à chaque bonne idée du Père Noël. En l’occurrence, sa critique vise le fait que le contrat que le Père Noël souhaite conclure ne serait pas équitable et contiendrait des dispositions abusives. 

Ho-ho-ho, l’interrompt le Père Noël, il s’agit quand même d'une convention entre entreprises et non avec des consommateurs. Il ne devrait donc pas y avoir de nuage à l'horizon arctique. Ou alors si ? 

Quelques précisions.

Le 1er décembre 2020, le « Titre 3/1. Contrats conclus entre entreprises » du Livre VI du Code de Droit Économique est entré en vigueur. Ces nouvelles règles du jeu B2B s'appliquent à presque tous les contrats B2B qui sont conclus, renouvelés ou modifiés après cette date. 

La nouvelle loi suit l'exemple de certains de nos pays voisins, notamment l'Allemagne, la France et les Pays-Bas, et interdit toute clause qui crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des entreprises. 

La nouvelle loi traduit cette interdiction en une liste noire et grise exhaustive de clauses.

La liste noire contient quatre clauses qui sont toujours abusives, et sont donc interdites :

  1. Celles qui prévoient un engagement irrévocable dans le chef d'une entreprise, alors que l'exécution de l’obligation de l'autre entreprise est soumise à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté (un engagement irrévocable par rapport à un engagement sous condition potestative) ;
  2. Celles qui confèrent à une entreprise le droit unilatéral d'interpréter un contrat (clauses d'interprétation unilatérale) ;
  3. Celles par lesquelles une entreprise renonce à tout moyen de recours à l'égard de l'autre entreprise en cas de conflit (clauses dites « de propre droit ») ;
  4. Celles qui constatent de manière irréfragable la connaissance ou l'adhésion de l’autre partie à certaines clauses dont elle n’a pas eu l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat (clause de connaissance ou d'acception irréfragable).

La liste grise contient huit clauses présumées abusives. Ces clauses sont interdites, jusqu'à preuve du contraire : 

  1. Celles qui autorisent une entreprise à modifier un contrat unilatéralement et sans raison valable (clause de modification unilatérale) ;
  2. Celles qui prorogent ou renouvellent tacitement un contrat à durée déterminée sans prévoir de délai raisonnable de résiliation (prorogation tacite) ;
  3. Celles qui font reposer, sans contrepartie, le risque économique sur une entreprise alors que ce risque ne lui incombe normalement pas (transfert du risque) ;
  4. Celles qui limitent ou excluent de façon inappropriée les droits légaux d'une entreprise si l'autre entreprise ne respecte pas ses obligations contractuelles (limitation ou exclusion inappropriée des droits légaux) ;
  5. Celles qui engagent les parties sans mentionner de délai raisonnable de résiliation (absence de délai raisonnable de résiliation) ;
  6. Celles qui dégagent une entreprise de sa responsabilité du fait de son dol ou de sa faute grave ou en cas de défaut d'exécution des engagements essentiels du contrat (certaines clauses d’exonération) ;
  7. Celles qui limitent les moyens de preuves que l’autre partie peut utiliser (limitation des moyens de preuves) ;
  8. Celles qui fixent des dommages-intérêts manifestement excessifs par rapport au préjudice subi (clause pénale manifestement excessive).

La nullité d'une clause de la liste noire ne peut être contestée. En revanche, celle d'une clause de la liste grise peut l’être. Une clause grise peut être maintenue si la partie qui cherche à la faire appliquer peut prouver que cette clause ne crée pas un déséquilibre manifeste. Ainsi, une clause de la liste grise peut s'avérer légale en raison de la nature du produit ou du service, des circonstances concrètes de la conclusion du contrat, des usages et relations commerciaux(-iales), du secteur concerné ou de la cohérence qu’elle forme avec les autres clauses. Les parties ont tout intérêt à justifier une clause de la liste grise dans leurs contrats, clarifiant de cette façon leur consentement à ce que cette clause y figure.  

Le Père Noël ferait donc bien de faire attention. Les lutins de Noël peuvent invoquer la nullité de la clause pénale et du droit du Père Noël de modifier le contrat unilatéralement au titre des nouvelles règles B2B. Par conséquent, il est recommandé que le Père Noël discute du montant de la clause pénale et de son caractère raisonnable. Et il a tout intérêt à expliquer les raisons pour lesquelles il souhaite pouvoir modifier unilatéralement le contrat, par exemple en vue de suivre les nouveaux développements en matière de logistique. 

Concrètement:

  • À partir du 1er décembre 2020, les contrats B2B qui sont conclus, modifiés ou renouvelés, doivent faire l'objet d'un contrôle relatif aux clauses illégales. Il en va de même pour les conditions générales en vigueur dans un contexte B2B.
  • À compter de cette date, il existe des clauses B2B noires et grises. 
  • Les clauses reprises sur la liste noire sont en tout état de cause interdites et inapplicables. 
  • Les clauses reprises sur la liste grise doivent pouvoir être justifiées au cas par cas en vue de leur application. Il est recommandé d'inclure la justification dans le contrat autant que faire se peut.

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