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Je (ne) suis (pas) chez moi là où se trouve mon siège

mars 2018

Imaginez...

Un jeune pizzaïolo italien, ayant créé une società a responsabilità limitata (S.r.l) pour ses activités, dont le siège social est établi au cœur de Rome, tombe amoureux d'une étudiante Erasmus originaire de Belgique. La tête dans les nuages, il décide de la suivre en Belgique et d'exploiter une pizzeria à Bruxelles via sa société italienne.

Les choses ne se déroulent cependant pas tout à fait comme prévu. L'amour n'est plus au rendez-vous et, pour couronner le tout, la pizzeria de Bruxelles ne rencontre pas le succès espéré. Un beau lundi, en dépit des efforts qu'il a fournis, le pizzaïolo est cité à comparaître par un fournisseur dont les factures sont restées impayées.

À sa surprise, il lit dans la citation que le fournisseur demande au tribunal de tenir le pizzaïolo personnellement responsable en vertu du droit belge des sociétés pour les dettes impayées de sa société.

Comment ça, personnellement responsable en vertu du droit belge des sociétés ? Il avait tout de même créé une société à responsabilité limitée de droit italien avec l'aide de son consigliere italien, non ?

Clarifions.

La Belgique détermine la « nationalité » d'une personne morale et le droit des sociétés ou des associations applicable en fonction du lieu où se trouve le siège social réel de cette personne morale. Il s'agit de la théorie dite du siège réel.

Lorsqu’un juge belge estime que le siège réel d'une société étrangère se situe en Belgique, parce que la société a son « implantation principale » en Belgique, il applique dès lors le droit belge des sociétés à cette société étrangère.

C'est pour cette raison qu’une société étrangère ayant son établissement principal en Belgique peut y transférer son siège social et adopter une des formes de société que le Code des Sociétés actuel reconnaît.

À défaut, la société ne sera pas reconnue comme telle par les tribunaux belges.

Dans ce cas, elle perd la protection de la responsabilité limitée. Par conséquent, les personnes qui agissent au nom de la société peuvent être tenues responsables personnellement. C'est exactement ce qu'a subi de plein fouet le jeune pizzaïolo italien.

De petits et grands entrepreneurs étrangers sont souvent surpris de l’application de la théorie du siège réel en Belgique. D’autres pays pratiquent en effet le principe de la théorie du siège statutaire. Celle-ci prend le lieu de constitution d’une société ou de l’établissement de son siège social comme critère de rattachement afin de déterminer le droit des sociétés applicable. Dans un avenir proche, le droit belge des sociétés et des associations mettra lui aussi ce principe en œuvre. En effet, la Belgique se trouve à l'aube d'un tournant important. En ce moment, le gouvernement fédéral finalise un nouveau Code des Sociétés et des Associations, ayant comme finalité une modernisation en profondeur de cette matière.

Cette modernisation instituera la théorie du siège statutaire, la Belgique suivant ainsi l’exemple de la plupart des autres pays européens.

L'introduction de la théorie du siège statutaire aura pour conséquence que les sociétés (leurs fondateurs et leurs actionnaires en premier lieu) bénéficieront d'une plus large liberté de choisir elles-mêmes le droit des sociétés applicable, même si l'entreprise exerce ses activités exclusivement ou principalement en Belgique ou si elle est gérée depuis la Belgique. Les mauvaises surprises telles que celle de notre pizzaïolo appartiendront au passé. Le siège de la société constitue en effet une donnée stable et prévisible.

Concrètement:

  • La Belgique pratique traditionnellement la théorie du siège réel, selon laquelle le droit des sociétés applicable est déterminé en fonction du lieu de l'établissement principal d’une société.
  • Si le siège réel d'une société étrangère se trouve en Belgique et que cette société n’adopte pas la forme d’une société belge, elle court le risque que la forme sociétale dans son pays d’origine ne soit pas être reconnue en tant que telle. Cette situation peut avoir des conséquences considérables pour les personnes qui agissent au nom de la société.
  • Le dernier projet du nouveau Code des Sociétés et des Associations introduit la théorie du siège statutaire. Selon cette théorie, le lieu de constitution d'une société ou de l'établissement de son siège social constitue le critère de rattachement au droit des sociétés applicable, et ce, quel que soit le lieu du siège réel de la société.
  • Cette évolution facilitera la mobilité des sociétés de l’étranger vers la Belgique ou inversement. En outre, elle permettra aux sociétés de choisir librement dans une large mesure le droit des sociétés applicable.

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