Les parts de marché sont un point de départ courant pour évaluer la concurrence sur un marché. Si vous souhaitez conclure un accord avec un concurrent, votre service juridique vous demandera probablement avant tout quelle est la part de marché détenue par les parties. Les parts de marché déterminent également l'application de certains instruments ou procédures juridiques. Si vous souhaitez interdire à vos distributeurs de vendre par l'intermédiaire de places de marché en ligne, la question de savoir si vous bénéficiez d'une zone de sécurité en vertu du droit de la concurrence dépend de votre part de marché. De même, si vous souhaitez procéder à une acquisition qui doit être approuvée par les autorités de la concurrence, sa notification sera simplifiée si vous ne dépassez pas certains seuils de parts de marché.

Les parts de marché sont mesurées sur le marché en cause et, pour la première fois depuis plus de 25 ans, la Commission européenne a publié une nouvelle communication sur la définition du marché en cause.

La communication précédente remontait à 1997. La nouvelle communication ne constitue pas un changement d’approche radical. Toutefois, elle consolide la pratique décisionnelle et la jurisprudence et tient compte de l'impact de la numérisation de l'économie. La communication s'est également considérablement allongée et compte désormais 35 pages au lieu de 9.

Que faut-il savoir?

Le marché en cause est composé d'un marché de produits en cause et d'un marché géographique en cause. Comme par le passé, la délimitation de ces deux marchés se fait principalement en déterminant la substitution de la demande pour les produits concernés. Si les clients se tournent rapidement vers d'autres produits facilement disponibles, il existe une forte substitution de la demande entre ces produits et ils appartiennent au même marché de produits.

L'accent est toujours mis sur les réactions aux augmentations de prix, c'est-à-dire sur la question de savoir vers quels produits les clients se tourneraient si le prix des produits en cause augmentait de 5 à 10 %. Ces produits de substitution appartiennent au même marché de produits en cause. Plus qu'auparavant, la nouvelle communication tient également compte de paramètres autres que le prix, tels que le degré d'innovation, la qualité et la disponibilité des produits, ainsi que les changements attendus sur le marché. Par exemple, dans les secteurs où la recherche et le développement ('R&D') est très importante (par exemple le secteur pharmaceutique), la Commission peut prendre en compte les résultats potentiels de la R&D dans la définition du marché. Les produits en cours de développement ne sont pas encore disponibles, mais l'état d'avancement du processus de R&D peut révéler s'ils appartiennent à un marché de produits existant ou s'ils constitueront un nouveau marché distinct. 

La communication contient davantage d'indications qu'auparavant sur la définition du marché géographique, qui va du marché local au marché mondial en passant par le marché national et l'ensemble de l'EEE. En cas d’indices selon lesquels les marchés sont plus larges que le marché national mais plus étroits que le marché mondial, l'hypothèse de travail est une évaluation à l'échelle de l'EEE.

La communication maintient la pratique actuelle de la Commission (et des autorités nationales de la concurrence) qui consiste à laisser ouverte la définition précise du marché en cause si le résultat de l’appréciation concurrentielle est identique pour différentes définitions plausibles. En pratique, cela signifie que l'autorité de concurrence examine si l’appréciation concurrentielle est positive sur le marché en cause le plus étroit possible. Dans l'affirmative, ceci sera souvent aussi le cas sur un marché plus large où les parts de marché seront plus faibles et alors l'autorité laisse souvent la définition du marché en suspens. 

La communication aborde la définition du marché dans une série de circonstances spécifiques, notamment en cas de différenciation notable des produits (des produits différenciés peuvent-ils appartenir au même marché de produits ?), de discrimination entre clients et groupes de clients (existe-t-il des marchés distincts pour chaque groupe de clients ?), de plateformes multifaces (comme LinkedIn ou Uber), de marchés de l’après-vente et de produits groupés.

En ce qui concerne ces derniers, la question est, par exemple, de savoir si les imprimantes et les cartouches d'encre, ou les montres et leurs pièces détachées, appartiennent à un seul et même marché (un marché des systèmes) ou s'il existe un marché distinct pour les produits primaires et secondaires (marchés doubles) ou pour les produits primaires et chacun des produits secondaires d'une marque particulière (marchés multiples). Cette distinction revêt une grande importance pratique. En effet, dans ce dernier cas, le fabricant est plus susceptible d'occuper une position dominante sur le marché de l’après-vente propre à la marque. La communication énonce les paramètres que la Commission prend en compte pour définir les marchés de l’après-vente, par exemple le fait que les clients tiennent compte des coûts du cycle de vie lorsqu'ils achètent le produit primaire.

Enfin, la communication accorde une grande attention aux éléments de preuve que la Commission peut utiliser pour délimiter les marchés en cause. Il s'agit non seulement d'éléments relatifs aux caractéristiques et aux prix des produits, mais aussi à l'usage prévu et à la substitution passée. En effet, les caractéristiques des produits peuvent être différentes (par exemple, le transport ferroviaire et les services aériens), mais les preuves d'une substitution passée peuvent montrer que les deux appartiennent au même marché de produits (par exemple, c'est le cas pour le transport ferroviaire et les services aériens pour assurer la liaison entre Bruxelles et Londres). L’avis des parties elles-mêmes (en particulier dans les documents internes préparés avant le début de l'enquête) et les points de vue d'autres acteurs du marché (clients, fournisseurs, concurrents, autorités publiques, fédérations professionnelles, etc.) sont également pertinents.

Concrètement.

• Les parts de marché déterminent souvent le résultat de l’appréciation concurrentielle au regard des règles de concurrence, des accords entre concurrents et des fusions entre entreprises. Elles sont mesurées sur le marché en cause, qui se compose d'un marché de produits en cause et d'un marché géographique en cause.
• Une méthodologie prévisible pour définir le marché en cause est cruciale : elle permet aux entreprises d'évaluer leur propre position sur le marché et donc d'avoir une plus grande certitude que leur comportement commercial est conforme au droit de la concurrence.
• La Commission a publié une nouvelle communication sur la définition du marché en cause, pour la première fois depuis plus de 25 ans. La nouvelle communication fait entrer la définition du marché dans le 21ème siècle. Elle accorde une attention particulière à la numérisation de l'économie et contient des orientations sur la définition du marché dans des situations spécifiques telles que les plateformes multifaces et les écosystèmes numériques.
• La communication confirme que la substitution de la demande reste essentielle pour définir le marché en cause : les produits que les clients considèrent comme interchangeables appartiennent au même marché de produits. La substitution peut s'expliquer par le prix des produits, mais aussi par d'autres caractéristiques telles que la qualité, l'innovation et la disponibilité.
• La nouvelle communication confirme la méthode de travail selon laquelle les autorités de concurrence partent du marché le plus étroit possible pour leur appréciation concurrentielle. Si aucun problème ne se pose sur ce marché, la définition du marché en cause est laissée en suspens. Dans le cas contraire, les preuves sont recueillies conformément à la communication. Dans ce cas, les preuves ont une valeur probante plus élevée si elles sont antérieures à l'enquête ou à la fusion.

Plus d’infos ?

• La communication révisée sur la définition du marché en cause est disponible ici.